- DOCUMENTA (Kassel)
- DOCUMENTA (Kassel)DOCUMENTA, KasselDes grandes manifestations périodiques destinées à promouvoir l’art contemporain, la Documenta de Kassel est, avec la biennale de Venise, la plus importante. Au cours des quelque quarante années de son histoire, elle a su créer un événement qui offre au milieu de l’art international l’occasion de présenter et de discuter l’état ou les orientations de ses recherches.À l’origine, Documenta est le fruit de la volonté et de l’engagement de deux hommes, l’un artiste, l’autre historien de l’art: Arnold Bode, professeur à l’Académie des beaux-arts de Kassel, peintre et architecte d’expositions, qui fonde en 1954 une association de promotion, L’Art occidental du XXe siècle; Werner Haftmann, historien de l’art, qui publie la même année La Peinture du XXe siècle . L’intérêt du premier pour tout ce qui ressortit à ce qu’il appelle la «mise en scène de l’art» et les réflexions du second sur la situation artistique allemande, en amont et en aval de la Seconde Guerre mondiale, se conjuguèrent dès lors dans un désir commun d’organiser une manifestation qui permette à la jeune génération de découvrir non seulement l’art contemporain, ses tendances et ses formulations, mais aussi l’art d’avant guerre dont le régime fasciste avait interdit toute diffusion. Le musée Fridericianum, monument d’architecture classique de l’ancienne capitale de la Hesse et l’une des toutes premières institutions muséales en Europe, s’imposa comme le lieu idéal pour abriter une telle manifestation. Malgré toutes les difficultés budgétaires et d’organisation que cela impliquait, Documenta 1 vit le jour en 1955.Véritable rétrospective historique de l’art européen depuis 1905, elle rassembla près de six cents œuvres d’environ cent cinquante artistes. Son succès fut tel qu’il fallut envisager de mettre sur pied de nouvelles structures de gestion afin de répondre à l’attente enthousiaste du public. Une société fut constituée au sein de laquelle la municipalité de Kassel s’engagea pleinement en prenant une part majoritaire; elle nomma Bode et Haftmann responsables de la conception et de la sélection de l’exposition dont la périodicité fut alors arrêtée à quatre ans. En 1959, la deuxième Documenta se tourna davantage vers la création contemporaine, faisant part égale entre peinture, sculpture et sérigraphie, cette dernière connaissant alors une vogue internationale. La présentation des œuvres sculptées devant les coulisses des ruines de l’Orangerie dans une théâtralisation des plus dramatiques signée Arnold Bode ne manqua pas de provoquer des réactions nombreuses: déjà Documenta s’affirmait comme un forum de partis pris.Ce qui singularisa Documenta 3, qui ne put avoir lieu qu’en 1964, c’est qu’elle était centrée sur l’idée chère à Haftmann que l’art abstrait est un code dominant et international. Aussi, tout ce qui était apparu de nouveau au début des années soixante, tels le pop art ou le nouveau réalisme, ne fut que médiocrement représenté. Une telle attitude ne manqua pas de heurter la critique, qui attaqua violemment les commissaires. Attentive à ces réactions, la société gérante décida de se séparer de ses deux inventeurs et proposa en 1968 une version plus adaptée aux préoccupations du temps. Peinture géométrique et art minimal s’y confrontèrent au cœur d’un débat contextuel sur les conceptions élitiste et bourgeoise de l’art.En 1970, la société de Documenta décida de nommer à sa tête un secrétaire général, qui serait renouvelé à chaque manifestation et responsable en totalité du projet proposé. En se personnalisant, Documenta trouvait ainsi un second souffle. C’est Harald Szeemann, ancien directeur de la Kunsthalle de Berne, qui fut le premier nommé à ce poste, recevant aussi pour tâche d’inscrire la ville de Kassel dans la géographie même des espaces d’exposition. En 1972, Documenta 5 marqua une vraie rupture. Véritable enquête anthropologique sur la réalité de l’art vivant en tant que tel, elle reste encore aujourd’hui comme l’exposition la plus réussie du genre.Confiée à Manfred Schneckenburger, Documenta 6, en 1977 — la périodicité ayant été portée à cinq ans — présenta l’état des recherches sur la forme, des démonstrations sur les matériaux et, surtout, une réflexion des médias sur eux-mêmes, interrogeant ici le caractère de visibilité de l’art, là ses relations avec le social. Environnement, photographie et vidéo étaient les nouveaux venus et disposaient d’espaces propres. En 1982, l’exposition conduite par Rudi Fuchs, directeur du musée d’Eindhoven, chercha à montrer comment l’art naissant des années 1980 ne se préoccupait pas de nouveauté mais bien plus des recherches qui l’avaient précédé. Elle mit l’accent sur le renouveau débordant de la peinture expressive que sanctionnaient simultanément la trans-avant-garde italienne et le nouvel expressionnisme allemand. C’est contre cet aspect-là que Schneckenburger proposa en 1987 une Documenta 8 visant essentiellement à faire valoir la nouvelle dimension sociale et historique de l’art; il s’agissait pour lui de montrer qu’à la fin des années 1980 ce qui compte n’est plus l’instauration de nouvelles stratégies, mais l’invention de nouvelles combinaisons. Documenta 9, en 1992, dirigée par le Belge Jan Hoet, conservateur de musée, a mis le corps à l’épreuve, à travers de nombreuses installations ou des dispositifs multimédias. En 1997, pour la première fois, une Française dirige la manifestation. C’est en effet Catherine David, ancien conservateur au Centre Georges-Pompidou, conservateur à la galerie du Jeu de paume à Paris, qui conduit Documenta 10. Cent vingt artistes ont été sélectionnés, artistes engagés, dont les œuvres sont présentés dans différents lieux de la ville. Catherine David a en outre invité des artistes et des intellectuels, qui pendant cent jours, la durée de la Documenta, se prêteront à des débats avec le public.
Encyclopédie Universelle. 2012.